L’ARCHITECTURE MANIFESTE 2021

du 14 Octobre au 11 Novembre 2021

Douze agences sont invitées pour exposer autour de la pratique du projet, de sa conception même et non pas de son résultat, sous l’intitulé «Manifeste».

Pour ce faire, nous faisons appel à certains architectes dont les pratiques se croisent et nous présentons une réalisation de leur part mettant en scène leur démarche.
Il ne s’agit pas là de présenter une réalisation architecturale réalisée, en cours ou à venir.

Mais de présenter, à l’intérieur d’un volume précis, l’expression d’une démarche, d’une pratique, d’un cheminement de pensée, de processus desquels émerge l’architecture.
Seul le volume est donné, et aucune restriction de médium n’est imposé.

Le contenu même de l’exposition se caractérise par ces réalisations. La mise en scène de ces « objets » permet de comprendre, de comparer, des pratiques d’horizons divers, dont pourtant les résultats nous semblent proches.

Bref, cette idée de mettre en boîte son processus architectural nous semble intéressant lorsqu’il se retrouve confronté à d’autres.

LIVRET DE L’EXPOSITION

Crédits photos: Alexandre FAVÉ et Hervé PERRIN ©

36 – BARRAULT PRESSACCO

Le chantier met en forme la matière dans une succession ordonnée d’étapes et génère, lentement, la réalité du projet. Cette fascination particulière nous permet d’identifier les trajectoires de chacun des objets assemblés, de mesurer l’énergie déployée à leur mise en œuvre autant qu’à leur déplacement, de comprendre leur impact environnemental, d’appréhender les ressources et les territoires mobilisés. Cette fascination et ces observations méticuleuses déclenchent une méthode inductive. Des enquêtes accumulent des connaissances, et ouvrent des champs de questionnements autant techniques que théoriques. Le chantier est à la fois la finalité d’un processus de projet et aussi le point de départ de nouvelles investigations.

L’amélioration des performances thermiques d’un mur se fait traditionnellement par l’ajout d’une épaisseur d’isolant, souvent fragile, qui nécessite de la cacher pour mieux la protéger. Part invisible de la construction, l’impact des isolants sur la forme reste faiblement investi par l’histoire et les théories architecturales. Aussi, la résistance thermique d’un isolant est assurée par la très faible conductivité de l’air. La forme et la quantité d’air invisible dans le plein visible sont donc déterminantes, et influent directement sur les performances du matériau.

Les matériaux isolants biosourcés, microporeux et perspirants, réclament masse et épaisseur. Leurs formes induites par la présence de l’air sont l’occasion de questionner la place de l’isolant dans les assemblages, qui prend une place prépondérante face aux éléments structurels. La réduction de la matière porteuse au profit d’une augmentation de la surface et de l’épaisseur des enveloppes sont les nouveaux supports d’investigations formelles.

Le potentiel formel de l’isolant comme élément de construction à part entière nous amène à reconsidérer le mur comme un plein utile. Construire du plein, c’est augmenter les surfaces d’échanges générées par l’air compris dans la matière. A la différence du vitrage, inerte, le plein perspirant organise les transferts de vapeur d’eau dans la paroi. D’un point de vue structurel, le plein est optionnel, d’un point de vue thermique, il est une nécessité.

37 – ÉCHELLE OFFICE

Espèces d’échelles Capa-cité – Domesti-cité

C’est à quelle échelle ?
La compréhension d’une situation varie en fonction de l’échelle à laquelle on l’observe.
« Espèces d’échelles » illustre un processus de projet itératif fait d’aller-retour entre l’échelle de la ville et celle du projet d’architecture, jusqu’au détails d’assemblage. Le cube en mousse bleu découpé au fil chaud qui a fasciné des générations d’urbanistes représente la « capa-cité » dans une maquette de projet urbain à grande échelle. Ce volume, « capa- cité », est mis en parallèle avec une cabane en bois, œuvre humaine qui concrétise un abri primitif habité à l’échelle domestique : « domesti-cité ».

Cette maquette questionne les modes de fabrications et de transformations des milieux construits et habités : « top-down» et « bottom-up ». Depuis la vue d’en haut en master plan ; l’urbaniste qui manipule des formes urbaines, à l’espace habité et vécu, construit avec une attention particulière à des petits dispositifs aux services d’une variété d’usages possibles.

Alors que « capa-cité » est en polyuréthane, « domesti-cité » est en bois et ce « saut d’échelle » nous incite à ré-évaluer les cycles de production dans la construction et l’emploi de ressources et de matériaux à l’emprunte carbone mesurée.

« Espèces d’échelles » symbolise une co- habitation, sous cloche, des différentes échelles spatiales et temporelles qui composent un territoire en transformation. Dans cet espace commun et partagé, le lien se fait par le sol, précieux socle commun à tous les projets, et les échelles s’articulent par un vide structurant.

38 – GRUE

La sol augmenté

Le sol, comme chaque élément de l’espace ouvert, nous rappelle aux évènements qui l’ont constitué. Ses horizons géologiques multiples, changeants et colorés s’étendent sur des kilomètres et les mouvements de ses roches profondes révèlent son appartenance au grand paysage. Jamais plat, il suit la courbe de la terre et et se creuse sous l’effet de la pluie et du vent.

Transformé par l’homme, étanché, le sol du milieu urbain devient une surface sur et sous laquelle se joue une compétition imperceptible. Celle de la grande machinerie des réseaux dont l’utilité n’est jamais remise en cause contre la pleine terre fertile. C’est ce sol invisible qui est le point de démarrage de notre pratique. Dès lors qu’il n’est plus considéré comme une simple surface, mais comme une épaisseur, topographiquement complexe, support de vie, il peut devenir le socle fertile du projet.

Les pentes tendues de son nivellement s’adaptent aux usages, aux cheminements, au ruissellement de l’eau. La part du sol circulée par les véhicules est renégociée.

Partout où c’est possible, le sol de la ville est rendu perméable et la pluie y retrouve ses chemins naturels pour s’infiltrer vers les nappes phréatiques. Alors, peut se réengager le cylcle du sol vivant. Il est possible de planter en pleine terre une gamme végétale variée, préservant la richesse de la fine couche de substrat fertile et d’enfin considérer sa grande valeur écologique.

Transformé par l’homme, mais appréhendé dans son épaisseur, le sol du milieu urbain redevient un lieu d’échange métabolique indispensable à la qualité des espaces ouverts habités.

39 – MABIRE REICH

Le Paysage au coeur de l’Architecture (Titre)   

Un manifeste à rebours (Sous-titre)

Notre travail n’est pas guidé par un manifeste ou un dogme qui construirait à priori le projet. Pour autant, il nous a été assez aisé d’identifier ce qui fait que l’ensemble de ces projets, tous singuliers, appartiennent à une même famille. Ils ont pour fil conducteur le prisme du Paysage et la recherche du plaisir.

Nous envisageons l’Architecture, au-delà de la nécessaire réponse à la question initiale (subvenir à un besoin exprimé par un programme), comme le catalyseur des paysages urbains et naturels dans lesquels elle prend place. Le projet est un révélateur du site, de ses potentialités inexprimées. Il s’ancre et devient lui-même profil, silhouette de son environnement. Mais l’Architecture n’est pas qu’élément du décor : elle cadre, elle met en relation, elle peut brouiller les limites entre intérieur et extérieur et donner l’illusion d’une continuité entre ce qui est dedans et ce qui est dehors.

Elle devient elle-même Paysage en son intérieur par la force évocatrice de ses volumes ou de sa matérialité : les veinages du bois révèlent des formes et invitent à la rêverie comme le font les nuages dans le ciel, le béton rappelle la roche que l’on contourne ou que l’on escalade, la rouille sur le métal rappelle que l’on a pu être exposé aux intempéries le temps d’un chantier…Le Paysage habite l’Architecture et l’Architecture met en abyme le Paysage.

Ce tissage entre Architecture et Paysage structure des parcours, des cadrages, une profondeur de champ, il procure le plaisir de la promenade, du cheminement, de la découverte progressive et renouvelée des jalons qui transforment une circulation en voyage. On y voit les lumières passer, les saisons changer. La nature se renouvelle, les cadrages se succèdent.

Cette jouissance offerte à l’oeil et au corps en mouvement dans l’espace, c’est la quête d’un plaisir que nous souhaitons faire vivre, que nous souhaitons offrir à notre tour après avoir été émerveillés par celui que d’autres nous ont offert. Une quête qui s’initie en mettant le Paysage au coeur de l’Architecture.

40 – RUPIN CONQ

Au commencement, il y a le site, dont il faut faire l’expérience. Mesurer l’espace du bout des bras, marcher d’un bout à l’autre, traverser le vide, ressentir le plein, regarder au loin, puis le regarder de loin. «Au loin» dans ce qu’il évoque, de ce qui le fait sans même se voir. «De loin», puisqu’il est aussi, c’est sûr, le milieu de quelque part. Car même s’il s’agit de construire à sa surface, il y a sous ce que l’on voit, l’épaisseur de sa mémoire. C’est ce «déjà-là» auquel nous nous devons d’être attentifs. Des choses, des personnes qui existent et entre lesquelles le projet va créer des rapports nouveaux. Celui qui décide de construire doit donc prendre la mesure de son acte, car entre ciel et terre, il fabrique un bout du monde. Et même si rien n’est éternel, qu’il préserve ce qui fait sens, celui du bien construire et du paysage commun. Au milieu de l’ordinaire, que vive l’espace heureux, à travers des systèmes constructifs intelligibles, des espaces simples, des détails précis et rationnels et des matériaux sans effet ni tromperie. Que l’architecture se vive, se ressente, se désire, mais surtout qu’on la comprenne pour la transmettre.

41 – MOOTZ & PELÉ

Désobéir pour Simplifier

Dix ans de pratique du projet architectural pourraient être représentés par un vortex d’émotions : espoirs, déceptions, enthousiasme, découragement, fierté, dégout, joie, colère etc… Ces émotions sont autant de forces contradictoires qui bousculent le projet. L’architecture est en permanence suspendue dans un tiraillement qui peut la faire basculer, d’un instant à l’autre, vers le sublime ou le médiocre, vers le sensé ou l’absurde, vers l’accomplissement ou l’abandon. Lutter contre les forces négatives a été notre premier réflexe. Proposer une résistance frontale face à l’immuable est pourtant inutile. On ne négocie pas non plus avec des forces qui n’entendent rien à la construction mentale que propose un architecte. L’architecture ne répond à aucune doxa, aucun ordre, aucun préjugé. Elle ne répond qu’à ses propres contingences : la gravité, la stabilité, la fluidité, la matérialité, la proportion, l’organisation des corps d’état, la cohérence esthétique, l’intelligence économique. La force d’un bon projet repose dans son évidence. L’évidence puise son énergie dans la simplicité. Et la simplicité n’est possible que dans la désobéissance. Simplifier des règlementations pusillanimes et contradictoires. Simplifier la complexité des normes.

Simplifier des certifications souvent inutiles. Simplifier des programmes passéistes. Simplifier les émotions de clients inquiets et désorientés. Les bons projets sont toujours des actes de désobéissance. Une désobéissance discrète, aussi silencieuse que le processus de création. Une désobéissance raisonnée qui finit par convaincre les opinions critiques. Une désobéissance polie qui propose la simplicité et la cohérence à un monde confus.

42 – PLAN COMÚN

COLLABORATION AS A PROJECT

What we do (or what we like to believe)

1. Founded in Chile (2012), Plan Común provides strategies to maximize and reinforce public and collective space – understood as a key aspect of architecture, regardless of its scale or program- through critical discourse, research, design and building.

2. The previous statement is not a mere manifesto from within architecture but a critical roadmap, our specific agenda. It is an effective framework for our own production and a way to make visible both our aim and attitude before starting a new project or relationship with third parties (collaborators, partners and clients).

3. We are aware of the fact that our proposal is ambitious : to define the collective as a priority is a major challenge in the world in which we live. Wether we like it or not, we are driven by individualism and -spatial- generosity is a scarce commodity (good).

4. Collaboration and cooperation are an integral part of the practice of architecture and one of our attempts is to highlight this process : we would have much more to say and design if we were able to build a collective force instead of perpetuating isolation, competition and elite games for the very few.

5. Collaboration is key in order to meet the expectations (of the collective). Since the beginning of our practice, a strong asset appeared in the relationship and exchange with interns and collaborators, comrades and allies. Together, we have understood architecture as a common field of knowledge.

6. Our best collaborations have been among partners with strategic thinking. Their sensibility, experience and skills have been fundamental in reading the conditions and pushing the limits of the possible. We talk mainly about architecture practices but also institutions and clients with diverse backgrounds, operating in different contexts and realms.

7. Collaboration is a project in itself and its success should not be taken for granted. A mix of clarity, companionship and courage is very welcome.

8. We constantly look for associations in the long run : emancipatory ideas on commons need collective intelligence.

9. Collaboration as a project is a display of our universe of collaborations since we are based in Paris (October 2018) and the constitution of our current team. It introduces our collaborations, friends, partners and attempts during the last 3 years.

10. We want to warmly thank all of our collaborators and partners since 2012.

43 – RMDM

Une démarche comme un jeu de construction; intellectuelle, ludique, technique et dont le résultat fragile peut sembler incertain jusqu’à la dernière pièce.

Une réalisation avec une multitude de points de vues et d’images choisies qui s’apprécient en parcourant l’objet et permettent une bonne compréhension des intentions et de nos inspirations.

Nous pensons l’architecture comme une imbrication de contraintes et de formes dont les choix de résolutions et les modalités d’assemblages définissent les principes architecturaux que nous souhaitons mettre en œuvre.

Le projet se nourrit aussi d’envies, de références composées qui vont venir s’additionner ou se juxtaposer au processus créatif.
Un casse tête!!

Au début se dessine une pièce, unique et comme dans un processus industriel, celle-ci a été pensée pour un montage selon un mode opératoire précis avec ses propres contraintes. C’est ce que nous aimons, faire de celles-ci le cheminement d’une démarche aboutissant à un résultat maitrisé, minimal. Il n’est pas question d’ajouter des compléments ou d’utiliser des subterfuges, l’objet tire sa force de son apparente simplicité.

Mais il ne faut pas s’y tromper, il est le fruit d’un travail complexe. A la fois allégorie de notre démarche architecturale et objet graphique, ornemental et minimal, notre casse tête devient cette maquette en bois recouverte d’images de références et de dessins techniques, pêle-mêle de nos visions communes et jeu de construction mis en forme tel une micro architecture.

44 – JULIETTE MONBUREAU

Avec un fil de chaque pelote, monter les mailles sur deux aiguilles réunies. Alterner une maille noire, une maille blanche. Pour tricoter, ôter une des deux aiguilles et placer les deux fils sur l’index gauche, le noir passant de l’extérieur de l’index vers le majeur et le blanc, passant de l’intérieur, entre l’index et le majeur, vers l’extérieur. De la main droite tenir l’aiguille qui «travaille» et de la main gauche, tenir l’autre aiguille entre le pouce et le majeur, l’index étant en l’air pour tenir les deux fils tendus et séparés. Travailler comme avec un crochet, en allant chercher le fil correspondant, tendu et tenu à gauche du travail, pour tricoter une maille à l’endroit, avec le coloris noir ou le coloris blanc, et une maille à l’envers, avec le coloris blanc ou le coloris noir, suivant la face sur laquelle on travaille. Ce sont les mailles du fond et celles des motifs d’une même face qui sont tricotées à l’endroit tandis que les mailles du fond et des motifs de l’autre face sont travaillées à l’envers. Au rang suivant, le fond et les motifs ne sont plus de la même couleur que sur la face précédente, ils sont inversés, donc la manière de tricoter les mailles l’est aussi : ce seront les mailles tricotées à l’endroit sur la face précédente qui seront tricotées à l’envers sur cette face et vice versa. Faire, au début du travail, quatre rangs unis noirs sur la face à fond noir et quatre rangs unis blancs sur la face à fond blanc; commencer et terminer chaque rang par une maille comme suit : tricoter ensemble à l’endroit la première maille (noire) et la deuxième (blanche) de l’aiguille de gauche, en employant les deux laines ensemble. Après chaque maille tricotée à l’endroit, faire passer les deux laines devant le travail, puis tricoter la maille envers avec la laine correspondante. Après chaque maille envers, faire passer les deux laines derrière le travail, puis tricoter la maille endroit avec la laine correspondante. Piquer la pointe de l’aiguille droite dans la maille noire (première maille de l’aiguille gauche), comme pour la tricoter à l’endroit, puis passer la pointe de l’aiguille sous le fil noir tendu sur l’index gauche et le ramener en boucle a…

SOIRÉE DU VERNISSAGE

Crédits photos: Emmanuel Groussard ©